Chronique d’octobre 2024 – Jamais sa faute!

Il y a quelques jours, des femmes jasaient entre elles dans la cuisine de la maison d’aide et d’hébergement. L’une avançait l’hypothèse que parfois, les conjoints auteurs de violences ont vécu des choses particulières au cours de l’enfance, et que dans certains cas, ils ne se rendent donc pas compte de ce qu’ils font… Il m’était facile de comprendre qu’elles considéraient que les violences exercées n’étaient pas vraiment de la faute de leur conjoint! Cette fausse croyance est malheureusement répandue et figure au rang des justifications courantes. Voici en quelques mots la brève intervention que j’ai faite. J’ai demandé aux dames si certaines d’entre elles avaient eu une enfance difficile et si cet état de fait les avait rendues violentes? Certaines ont confirmé une enfance malheureuse et ont indiqué que ça ne les a pas rendues violentes. Puis, je leur ai demandé si leur conjoint respectif est violent dans toutes les diverses sphères de sa vie : collègues, fratrie, voisinage, par exemple. La réponse fut non. J’ai donc conclu que leurs conjoints sont en contrôle de leurs comportements et choisissent avec qui ils se permettent d’être violents. L’intervention, pourtant toute simple, a eu pour effet d’ébranler leur lecture de la situation et de mettre en lumière les tentatives de victimisation du conjoint qui prétend que ce n’est jamais de sa faute!

Pour se dédouaner de la responsabilité de ses actes, le conjoint auteur de violences fait basculer cette responsabilité sur des circonstances particulières. C’est ici qu’entre en jeu un chapelet de justifications, dont l’enfance malheureuse, mais aussi le stress, le fait d’avoir consommé, les soucis professionnels, personnels ou financiers, etc. L’autre stratégie de disculpation consiste à imputer la responsabilité de ses actes à une autre personne, en l’occurrence à sa conjointe. Les justifications prennent alors la forme d’accusations : il prétendra qu’elle l’a provoqué, qu’elle n’aurait pas dû dire ou faire quelque chose, s’habiller de telle façon, parler à telle personne, qu’elle aurait dû faire plus attention, qu’elle ne le comprend pas, etc. Ces accusations infligent à la femme un sentiment de culpabilité et permettent au conjoint violent de nier la sienne, car il prétend que ce n’est jamais de sa faute!

En invoquant des justifications, le conjoint auteur de violences excuse son comportement. Ces excuses lui évitent toute remise en question… puisque ce n’est jamais de sa faute! Elles lui servent aussi à écarter d’éventuelles conséquences néfastes (départ de la conjointe, judiciarisation, etc.).

Parce que les justifications sont socialement admises, elles altèrent la compréhension populaire des violences conjugales masculines et leur caractère criminel. Parce qu’elles sont intégrées par bon nombre de femmes violentées, elles jouent un rôle important dans le maintien de la dynamique de violences et dans les sentiments de honte et de culpabilité qui accablent faussement ces femmes. Ne tombons pas dans le piège!

En présence d’une femme violentée, insistez sur le fait que son conjoint est le seul responsable des violences qu’il exerce, informez-la quant aux services disponibles et offrez-lui de l’accompagner dans sa demande d’aide. Les maisons d’aide et d’hébergement offrent un large éventail de services et il n’est pas nécessaire d’y être hébergée pour en bénéficier. Il y a une maison d’aide et d’hébergement près de chez vous. Pour de l’information, pour de l’aide ou pour de l’hébergement : 1 800 363-9010, 24 h/24, 7 jours/7.

Monic Caron, pour L’Alliance GÎM