Chronique de juillet 2024 – Appeler un chat un chat

Il y a plusieurs années, L’Alliance GÎM s’est attardée aux vocables « violence conjugale », car l’appellation ne précise pas qui, de l’homme ou de la femme, exerce ou subit ces violences. Nous avons ainsi choisi de compléter l’expression par le qualificatif masculine afin de le rendre plus clair. Nous avons également fait le choix de la pluraliser pour marquer la répétition et la diversité des manifestations de violences.

Depuis, même l’appellation que nous trouvions imprécise cède doucement la place à une expression plus floue encore, à savoir violence dans les relations intimes. Même si l’expression violence conjugale manque de précision, pour la majorité des gens, elle réfère à une situation où une femme subit les violences de son conjoint ou ex-conjoint. Bouder l’appellation courante au profit de violence dans les relations intimes sème une fausse impression de réciprocité des violences, une conception fortement défendue par les groupes masculinistes antiféministes qui prétendent que les femmes seraient autant, sinon plus violentes que les hommes. Ce discours occulte les mécanismes de domination masculine qui perdurent dans les violences conjugales. Le discours entourant la symétrie des violences prétend à tort que les violences commises par les femmes sont du même ordre, aussi nombreuses et avec des conséquences aussi graves que celles commises par les hommes, alors que les études démontrent le contraire. Une brèche pour la symétrie sert les conjoints violents qui prétendent à une réciprocité. Pourtant, les statistiques nous le rappellent sans cesse, ce sont très majoritairement les femmes qui subissent des violences dans le contexte conjugal et ce sont les hommes qui les exercent. Ce sont d’ailleurs des femmes qui perdent la vie aux mains de leur conjoint ou ex-conjoint. Appelons un chat un chat : le discours de la réciprocité sert à justifier les violences conjugales masculines et s’inscrit dans une logique de domination.

Une autre confusion réside dans le cafouillage qui s’installe dans l’explication que certain.e.s donnent aux violences exercées. Dans la lecture populaire, les violences agies sont souvent occultées par la soi-disant détresse particulière des hommes, une détresse qui serait causée par les femmes. Le réflexe journalistique de certains médias, consistant à interroger le voisinage, y contribue. Il n’est pas rare d’entendre, à la suite d’un féminicide conjugal, des affirmations gratuites et désolantes, par exemple que c’était un couple sans histoire (alors qu’une histoire de violences conjugales masculines s’écrivait quotidiennement), que c’est un père aimant (alors qu’il vient de priver ses enfants de leur mère), que madame avait quitté son conjoint ou avait un nouvel amoureux (comme s’il n’était pas permis à une femme de rompre). Par exemple, lors du féminicide conjugal survenu à Terrebonne en mai dernier, un article du Journal de Montréal rapporte que selon des voisins, le couple entretenait une relation toxique! Le couple? C’est pourtant la femme qui y a perdu la vie! Pour s’assurer d’appeler un chat un chat, ce sont des expert.e.s que les journalistes devraient interroger.

S’ajoute, les doléances répétées quant à la prétendue iniquité entre les services disponibles pour les femmes et ceux pour les hommes. Étrangement, ces comparaisons ne s’attardent pas aux besoins et réalités distinct.e.s. Soulignons que les hommes détiennent toujours la majorité des postes de pouvoir dans les champs économique et politique, mais les tentatives de se présenter comme discriminés sont légion. Les groupes masculinistes ont ainsi réussi à être conviés aux consultations politiques, au même titre que les groupes de défense des droits des femmes. Appelons un chat un chat, ces groupes ont beaucoup d’influence!

Il y a une maison d’aide et d’hébergement près de chez vous. Pour de l’information, pour de l’aide ou pour de l’hébergement : 1 800 363-9010, 24 h/24, 7 jours/7.

Monic Caron, pour L’Alliance GÎM

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www.expressio.fr/expressions/appeler-un-chat-un-chat (consulté le 25 juin 2024)

https://www.journaldemontreal.com/2024/05/03/feminicide-a-terrebonne–une-dame-de-51-ans-tuee-par-son-conjoint (consulté le 28 juin 2024)

Francis Dupuis-Déri (2018). La crise de la masculinité. Autopsie d’un mythe tenace. Montréal : Les Éditions remue-ménage, coll. « Observatoire de l’antiféminisme », 2018.