CHRONIQUE DE FÉVRIER 2023-PRENDRE DES VESSIES POUR DES LANTERNES

C’est bien connu, tout le monde peut se tromper, mais certaines erreurs sont lourdes de sens! Le 22 janvier dernier, à l’émission Tout le monde en parle, une entrevue avait cours autour de la série À cœur battant. L’une des 2 têtes d’affiche, Roy Dupuis, a alors indiqué que la violence conjugale est une maladie dont il faut s’occuper si on ne veut pas qu’elle se répande. L’intervention a suscité beaucoup de réactions sur les réseaux sociaux, dont la plupart encensaient cette lecture des violences conjugales. Pourtant, associer les violences conjugales à une maladie est trompeur et dangereux, car non, la violence n’est pas une maladie!

 

Le plan d’action gouvernemental en violence conjugale précise que cette violence « … ne résulte pas d’une perte de contrôle, mais constitue, au contraire, un moyen choisi pour dominer l’autre personne et affirmer son pouvoir sur elle. »1 Les expert.e.s s’entendent donc sur le fait qu’il s’agit d’un choix de l’agresseur et non pas d’une altération des capacités de l’individu qui le pousserait malgré lui à recourir aux violences envers sa conjointe. La politique gouvernementale rappelle également que les violences conjugales s’inscrivent dans des rapports historiques de domination des hommes sur les femmes. Laisser croire faussement que la violence conjugale est une maladie représente un inquiétant recul qui contrevient aux efforts gouvernementaux pour la contrer.

 

Prétendre que la violence conjugale est une maladie vient rassurer les auteurs de ces violences, car si c’est une maladie qui pousse à agir ainsi, ils ne sont pas responsables des sévices qu’ils infligent. Pernicieusement, cette interprétation vient ajouter un poids sur les épaules des femmes, car il faudrait qu’elles comprennent qu’il s’agit d’une maladie! Chercher à comprendre, c’est ce que les femmes violentées font à outrance et c’est entre autres ce qui les maintient dans la relation.

 

Lorsque surviennent des actes de violence, la femme cherche un sens à ce qui arrive. Elle est alors disposée à considérer d’éventuelles circonstances atténuantes. La maladie, comme l’enfance malheureuse, compte au rang des motifs que peut avancer le conjoint violent pour expliquer et excuser son geste. Dans la dynamique des violences conjugales, les justifications du conjoint sont monnaie courante et s’inscrivent dans la déresponsabilisation des violences infligées. Les prétextes, les excuses, servent d’arguments au conjoint dominant pour ne pas reconnaître ses violences. S’il ne les reconnaît pas, il n’y a pas de remise en question et s’il n’y a pas de remise en question, il n’y a pas de modification du comportement!

 

Pour la femme, les explications et les excuses du conjoint nourrissent le sentiment de culpabilité, la conviction d’être inadéquate, la confusion, la subordination. Pour le conjoint, elles nourrissent le sentiment de légitimité, lui permettent de se déresponsabiliser, de maintenir sa domination, d’éviter toute réelle introspection. Pour l’enfant, les justifications enseignent, à tort, que les violences exercées reposent sur des éléments extérieurs, que son père est hors de cause, que l’inégalité du pouvoir dans le couple est acceptable.

 

Heureusement, l’autre tête d’affiche d’À cœur battant, Eve Landry, a rectifié le tir en précisant : «la violence est un choix. […] Si on veut traiter la violence conjugale, il faut parler de parité, d’égalité homme-femme». Malheureusement, si on se fie aux commentaires qui ont suivi l’émission, dans l’opinion publique, l’excuse de la maladie l’emporte pernicieusement sur l’inexcusable choix!

 

Il y a une maison d’aide et d’hébergement près de chez vous! Pour de l’information, pour de l’aide ou pour de l’hébergement, 1 800 363-9010, 24 h /24, 7 jours/7.

 

Monic Caron, pour L’Alliance GÎM

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  1. Gouvernement du Québec, Plan d’action gouvernemental en matière de violence conjugale 2018-2023, Québec, 2018. P. 4.

L’Alliance gaspésienne et L’Accord Mauricie, La construction du personnage, guide pédagogique, Québec, 2017.

Chronique février 2023-Predre des vessies pour des lanternes