Chronique de décembre 2024 – 12 jours d’action… oui mais!

Dans le cadre des 12 jours d’action contre les violences faites aux femmes L’Alliance GÎM des maisons d’aide et d’hébergement a rédigé une lettre d’opinion que nous reproduisons ici. Elle propose en vrac quelques sujets de réflexion.

Au travers des dernières décennies, plusieurs avancées quant aux mesures gouvernementales entourant les violences conjugales masculines (VCM) ont permis de lutter contre celles-ci et d’améliorer l’accompagnement ainsi que la sécurité des femmes. Au milieu des années 1980, les VCM sont enfin reconnues comme étant criminelles, la première politique gouvernementale en matière de violences conjugales voit le jour, le réseau des maisons d’aide et d’hébergement se développe… Plus récemment, l’engagement gouvernemental mène à la mise en place du tribunal spécialisé en violences sexuelles et conjugales, l’accès gratuit à des conseils juridiques, l’implantation de cellules d’intervention rapide dans toutes les régions du Québec, la criminalisation à venir du contrôle coercitif … Voilà de belles avancées, oui mais…

Quand il s’agit de droits des femmes, une vigilance constante s’impose en raison de la fragilité des acquis. Par exemple, on a vu apparaître l’expression « violence dans les relations intimes » qui sème subtilement l’idée d’une symétrie en VCM, alors que ce sont encore et toujours très majoritairement les femmes qui les subissent et les hommes qui les exercent. S’ajoute la forte propension à accorder davantage de crédibilité au père ayant des comportements violents qu’à la mère qui, lorsqu’elle exprime des craintes et souhaite protéger son enfant, est difficilement crue et rapidement taxée d’aliénante par certain.e.s professionnel.le.s. Les orientations gouvernementales insistent sur la primauté de la protection des femmes et des enfants, oui mais… dans les faits, la voix des hommes trouve plus facilement écho.

Justement, en termes d’écho, le mouvement masculiniste mâles alpha en a un retentissant! Même si plusieurs, à juste titre, l’ont décrié, ce discours contribue à valider les auteurs de violences dans l’exercice de leur contrôle, de leur domination, de leur oppression, dans leur prétention d’être supérieur et dans leur souhait de conserver les privilèges liés au genre. Oui mais…

Malheureusement, il n’y a pas que ce discours qui inquiète. L’intervention auprès des conjoints auteurs de violences s’est éloignée de l’approche visant la responsabilisation des actes pourtant promue par la politique d’intervention gouvernementale. Alors que les programmes s’adressant aux conjoints violents devaient être homologués, en vertu des recommandations issues du rapport Rebâtir la confiance, cet objectif tarde à se réaliser. Pendant ce temps les groupes concernés embrassent plusieurs volets qui, selon nous, sont incompatibles avec les VCM : santé et bien-être des hommes, droit des pères, hommes en difficulté… détournant ainsi habilement l’attention ailleurs que sur violences. Oui mais…

Pendant ce temps, le nombre de féminicides en croissance glace le sang. Cette hécatombe frappe particulièrement en contexte de violences conjugales postséparation alors que d’aucun.e.s croient, à tort, que les violences cessent avec la rupture. Rappelons que la majorité des femmes assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint n’avaient pas fait appel aux services d’aide. Les maisons d’aide et d’hébergement d’urgence 24/7 et celles de 2e étape offrent un panier de services sécuritaire qui sauve des vies. Oui, mais…

L’éradication des violences faites aux femmes impose un engagement individuel et collectif. Pour un réel changement, il faut que : l’agresseur soit pointé du doigt plutôt que la femme; qu’aucune explication, aucune justification, ne vienne excuser les comportements violents; que l’intervention auprès des auteurs de violences les tienne responsables; que les sentences soient à la hauteur du crime; que l’égalité des genres soit promue à tous niveaux; que les femmes soient crues; qu’en tout temps la sécurité des femmes et des enfants prime; qu’on se sente toutes et tous concerné.e.s.  Ensemble on va plus loin, pour un avenir sans violence!

Pour de l’information, pour de l’aide ou pour de l’hébergement : 1 800 363-9010, 24 h/24, 7 jours/7.

Monic Caron et Nancy Gough, Pour L’Alliance GÎM des maisons d’aide et d’hébergement